lundi 13 juin 2011

L'aucteur au lecteur

En feuilletant les Essais de Michel Montaigne, imprimés (en 1843) en français de 1580 par Lavigne, libraire-éditeur à Paris, je  me suis intéressé pour une fois à l'avant-propos de l'auteur. Et ce que j'y ai trouvé, je peux facilement, avec un strict minimum d'imagination, le transposer au contenu de mon blog. Amis lecteurs, passez au-delà de la difficulté épisodique de lire le vieux françois, et suivez-moi. Ah, juste une précision, je ne suis pas pressé, moi, que mes parents et amis me perdent...

L'aucteur au lecteur

C'est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dez l'entree, que ie ne m'y suis proposé aulcune fin, que domestique et privee: ie n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire; mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Ie l'ay voué à la commodité particuliere des mes parents et amis: à ce que m'ayants perdu (ce qu'ils ont à faire bientost), ils y puissent retrouver quelques traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve la cognoissance qu'ils ont euë de moy. Si c'eust été pour rechercher la faveur du monde, ie me feusse paré de beautez empruntees: ie veulx qu'on m'y veoye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice; car c'est moy que ie peinds. Mes deffauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publicque me l'a permis. Que si i'eusse esté parmy ces nations qu'on dict vivre encore soubs la doulce liberté des premieres loix de nature, ie t'asseure que ie m'y feusse tresvolontiers peinct tout entier et tout nud. Ainsi, lecteur, ie suis moy mesme la matiere de mon livre; ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subiect si frivole et si vain; adieu donc.

De Montaigne, ce 12 de juin 1580.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire