vendredi 24 juin 2011

La tristesse et la joie

Il y a quelque chose de terrible dans chaque vie. Il y a, dans le fond de chaque vie, une chose terriblement lourde, dure et âpre. Comme un dépôt, un plomb, une tache. Un dépôt de tristesse, un plomb de tristesse, une tache de tristesse. A part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse. Plus ou moins. Même dans nos fêtes, elle peut se voir. La joie est la matière la plus rare dans ce monde. Elle n'a rien à voir avec l'euphorie, l'optimisme ou l'enthousiasme. Elle n'est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont soupçonnables. La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors - une chose de rien, circulante, aérienne, volante. On lui accorde beaucoup moins de crédit qu'à la tristesse qui, elle, fait valoir ses antécédents, son poids, sa profondeur. La joie n'a aucun antécédent, aucun poids, aucune profondeur. Elle est toute en commencements, en envols, en vibrations d'alouette. C'est la chose la plus précieuse et la plus pauvre du monde. Il n'y a guère que les enfants pour la voir. Les enfants, les saints, les chiens errants.

Christian Bobin
La plus que vive

Au détour d'une phrase, j'ai parfois envie de dire à ce magnifique (et humble) auteur que je ne suis pas d'accord, que je ne veux pas entrer en concurrence avec les chiens errants par exemple, et puis une évidence, une lumière rayonnante sinon éblouissante, un quasi-absolu, une profonde simplicité... et je ressors apaisé et serein, livré le cœur lié au partage.

lundi 13 juin 2011

L'aucteur au lecteur

En feuilletant les Essais de Michel Montaigne, imprimés (en 1843) en français de 1580 par Lavigne, libraire-éditeur à Paris, je  me suis intéressé pour une fois à l'avant-propos de l'auteur. Et ce que j'y ai trouvé, je peux facilement, avec un strict minimum d'imagination, le transposer au contenu de mon blog. Amis lecteurs, passez au-delà de la difficulté épisodique de lire le vieux françois, et suivez-moi. Ah, juste une précision, je ne suis pas pressé, moi, que mes parents et amis me perdent...

L'aucteur au lecteur

C'est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'advertit dez l'entree, que ie ne m'y suis proposé aulcune fin, que domestique et privee: ie n'y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire; mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Ie l'ay voué à la commodité particuliere des mes parents et amis: à ce que m'ayants perdu (ce qu'ils ont à faire bientost), ils y puissent retrouver quelques traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve la cognoissance qu'ils ont euë de moy. Si c'eust été pour rechercher la faveur du monde, ie me feusse paré de beautez empruntees: ie veulx qu'on m'y veoye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice; car c'est moy que ie peinds. Mes deffauts s'y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publicque me l'a permis. Que si i'eusse esté parmy ces nations qu'on dict vivre encore soubs la doulce liberté des premieres loix de nature, ie t'asseure que ie m'y feusse tresvolontiers peinct tout entier et tout nud. Ainsi, lecteur, ie suis moy mesme la matiere de mon livre; ce n'est pas raison que tu employes ton loisir en un subiect si frivole et si vain; adieu donc.

De Montaigne, ce 12 de juin 1580.

mercredi 8 juin 2011

Duo des fleurs

Celles et ceux qui ont la gentillesse de suivre sur mon blog mes élucubrations, circonvolutions, considérations, observations, appréciations, divagations et autres réflexions (parfois) ont certainement remarqué que je fais souvent appel à YouTube et principalement à des extraits de concerts de musique classique, qui sont autant de coups de cœur que j'invite à partager avec moi. J'en ai déjà cité beaucoup et ce n'est pas fini...

Ce que je présente ce matin est le Duo des Fleurs, tiré de Lakmé, opéra de Léo Delibes. Anna Netrebko (soprano) et Elina Garanca (mezzo-soprano) en sont les interprètes. Je ne les connais pas, et je ne sais rien non plus de l'orchestre et du chef, mais qu'importe, écoutons sans fermer les yeux pour apprécier de si gracieuses personnes...