jeudi 30 septembre 2010

Pie Jesu (Fauré)

Le temps du Pie Jesu du Requiem de Lloyd Webber (voir mon message du jeudi 22 avril 2010), écouté avec ferveur et émotion dans mon entourage associatif, approche. Je voudrais lui faire écho en présentant un autre Pie Jesu, celui du remarquable Requiem de Gabriel Fauré, que j'écoute souvent et toujours avec la même émotion. En fait, je suis très touché par l'ensemble du Requiem de Fauré alors que je le suis beaucoup moins par le Requiem de Lloyd Webber, sauf son Pie Jesu.
La version du Requiem de Fauré que j'ai trouvée dans YouTube n'est pas transcendante (je trouve qu'elle manque un poil de ferveur), mais c'est la plus présentable des différentes versions que j'ai entendues (je cite notamment sur Dailymotion une version dirigée par Emmanuel Krivine, que le monde musical lyonnais connaît bien).
Je ne connaissais pas la soprano Rosa Elvira Sierra, j'avais entendu parler du chef Zuohuang Chen. Les découvrir par ce Requiem est une bonne occasion.

lundi 27 septembre 2010

L'enfant éternel

On ne fait rien en marchant, rien que marcher. Mais de n'avoir rien à faire que marcher permet de retrouver le pur sentiment d'être, de redécouvrir la simple joie d'exister, celle qui fait toute l'enfance. Ainsi la marche, en nous délestant, en nous arrachant à l'obsession du faire, nous permet d'à nouveau rencontrer cette éternité enfantine. Je veux dire que marcher, c'est un jeu d'enfant. S'émerveiller du jour qu'il fait, de l'éclat du soleil, de la grandeur des arbres, du bleu du ciel. Je n'ai besoin pour cela d'aucune expérience, d'aucune compétence. C'est précisément pourquoi il convient de se méfier de ceux qui marchent trop et trop loin: ils ont déjà tout vu et ne font que des comparaisons. L'enfant éternel, c'est celui qui n'a jamais rien vu d'aussi beau, parce qu'il ne compare pas. Quand on part ainsi plusieurs jours, plusieurs semaines, ce ne sont pas seulement notre métier, nos voisins, nos affaires, nos habitudes, nos tracas que l'on quitte. Ce sont nos identités compliquées, nos visages et nos masques. Plus rien de cela ne tient, parce que marcher ne sollicite jamais que votre corps. Rien de votre savoir, de vos lectures, de vos relations ne va servir ici: deux jambes suffisent, et de grands yeux pour voir. Marcher, partir seul, gravir des montagnes ou traverser des forêts. On n'est jamais personne pour les collines et les grandes frondaisons. On n'est plus ni un rôle, ni un statut, pas même un personnage, mais un corps, un corps qui ressent la pointe des cailloux sur les chemins, la caresse des hautes herbes et la fraîcheur du vent. Quand on marche, le monde n'a plus ni présent, ni futur. Il n'y a plus que le cycle des matins et des soirs. Toujours à faire la même chose tout le jour: marcher. Mais celui qui en marchant s'émerveille (le bleu des pierres dans la lumière d'une soirée de juillet, le vert argent des feuilles d'olivier à midi, les collines violettes au matin) n'a ni passé, ni projets, ni expérience. En lui c'est toujours l'enfant éternel. Je ne suis en marchant qu'un simple regard.

Frédéric Gros
Marcher, une philosophie

Merci, ami Jean-Claude, de m'avoir confié la découverte de ce livre.

vendredi 10 septembre 2010

L'envie de peindre

Je cogitais sans cesse, comme s'il fallait me justifier, me situer, ça m'épuisait, l'envie de peindre m'abandonnait puis elle revenait, plus brûlante encore. Où était le courage artistique désormais? Fallait-il déchirer, brûler les toiles? Certains essayaient. Mais l'avant-garde c'est une bataille, pas une surenchère. Il faut un risque à la peinture. Je n'avais pas envie de prendre le train en marche. J'allais peindre, quitter le magasin, prendre un nouveau départ! L'originalité était morte avec Picasso? Bon débarras! On allait pouvoir s'intéresser au sujet plus qu'au style, raconter des histoires, jouer avec les sens, les émotions, j'en avais tant des émotions. Je voulais renouer avec la peinture, quitte à être jeune et classique, quitte à revenir en arrière. Je ne voulais pas d'une peinture nostalgique, je voulais déjouer l'avant-garde avec mes pinceaux et mes couleurs. L'art doit, de toute façon, tendre des pièges.
...
Je me décidai enfin à créer un cadre qui n'avait rien de nouveau. Il restait tant de choses à faire et à dire. J'étais comme le pianiste, quatre-vingt-huit touches sous les doigts et pourtant une musique infinie devant lui; comme l'écrivain, tenu par la grammaire et les mots, et pourtant une multitude d'histoires à écrire. "C'est parce que le langage est fermé sur lui-même que l'écrivain peut créer" disait Roland Barthes. Le jour où j'ai croisé cette phrase, elle m'a fait du bien.

L'intranquille
Livre illuminé et lumineux de Gérard Garouste, avec Judith Perrignon

Sur le bandeau de livre, on trouve ce détail du tableau Le Masque de chien, autoportrait de Gérard Garouste 



lundi 6 septembre 2010

AVC et paix intérieure

Je ressors (ému, joyeux et globalement plus fort qu'avant) d'un livre pour lequel je me suis tout de suite senti intimement concerné. Ce livre, écrit par le Docteur Jill Bolte Taylor, traduit par Marie Boudewyn, s'appelle Voyage au-delà de mon cerveau et son sous-titre est Une neuro-anatomiste victime d'un accident cérébral raconte ses incroyables découvertes. L'accident dont a été victime le Docteur Bolte Taylor fut beaucoup plus grave que le mien, mais je ressens, je comprends, je sais que les réactions, les conséquences, les enseignements sur le coup et après coup sont, à l'échelle, identiques. Il me fallait le dire un jour. J'ai donc trouvé mon porte-parole.

J'ai choisi (il fallait bien choisir...) l'extrait suivant de ce livre profond et tonique. Le titre du chapitre est Trouver la paix intérieure.
Mon AVC, et l'expérience intérieure qui en a découlé, m'a donné la chance inouïe de comprendre que la paix était à ma portée à tout moment. Parvenir à la quiétude ne nécessite pas de nager dans le bonheur en permanence mais simplement d'atteindre une relative tranquillité d'esprit parmi le chaos d'une existence normalement mouvementée. Beaucoup d'entre nous ont le sentiment qu'un abîme sépare leur raison pensante de leur cœur débordant de compassion. Certains parviennent à le franchir en un clin d'œil. D'autres s'abandonnent au contraire au désespoir au point que l'idée même de quiétude leur paraît incongrue, voire franchement menaçante.
Si je me fie à mon expérience, la paix intérieure provient d'un circuit de neurones dans le cerveau droit qui, parce qu'ils ne se reposent jamais tout à fait, restent susceptibles de prendre le pas sur les autres à tout moment. Notre sentiment de quiétude s'ancre dans l'instant présent. Il ne nous vient pas d'un souvenir du passé ni d'une projection dans l'avenir. Pour atteindre la paix intérieure, il me semble impératif de se laisser absorber par l'ici et maintenant.


Cet extrait me conduit aussi à avoir une pensée particulière pour ma belle-sœur Patricia, qui a connu un choc de vie différent du mien mais j'ai ainsi l'occasion de lui dire combien je comprends, profondément, son cheminement. Je t'embrasse, Patricia.