mercredi 30 novembre 2011

Comme un souffle fragile

Ceux qui pratiquent, à l'occasion ou régulièrement, les cantiques reconnaîtront-ils ce "Comme un souffle fragile" (de Pierre Jacob -paroles- et Gaëtan de Courrèges -musique, avec harmonisation de François Rauber-) régulièrement chanté à toutes occasions ... mais, hélas, pas de cette façon-là... et j'en connais plusieurs qui le regrettent...

jeudi 24 novembre 2011

Un soin palliatif particulier

L'auteur accompagne sa grand-mère dans les derniers instants de sa vie, dans une chambre d'hôpital...

J'ai pensé que je devais lui lire quelque chose. Peut-être m'entendait-elle. Je voulais lui lire de la poésie... Mais pas moyen de trouver le moindre recueil. Il y avait une petite bibliothèque au bout du couloir, qui ressemblait davantage à une déchetterie littéraire.... Subitement, mon oeil a été attiré par un petit guide de voyage. Cela s'appelait Un long week-end à Rome... Je me suis dit que ça ferait l'affaire... La lecture dura toute la nuit, avec l'impression que tout cela était réel: nous avons passé trois jours à Rome. A la fin du voyage, ma grand-mère fermait les yeux. Elle ne respirait plus. Je ne sais pas à quel moment elle est morte; je ne sais pas si elle est morte pendant un passage sur un restaurant dont la spécialité était le risotto aux asperges ou bien pendant la description du parc de la villa Borghèse, mais je peux affirmer qu'elle est partie paisiblement, sans le moindre soubresaut, sans la moindre violence. Le coeur a quitté le corps avec politesse. Je l'ai regardée pendant de longues minutes. On savait la mort, on la connaissait, et pourtant elle arrivait toujours comme une stupéfaction. Cela me paraissait fou que son corps soit subitement vide de vie; que son esprit soit vide de pensée. Et je trouvais choquant de ne pouvoir remédier à cette tragédie.

David Foenkinos
Les souvenirs

J'ai choisi cet extrait pour une raison bien particulière: il me fait revenir, en force et avec beaucoup d'émotion, un mois en arrière, au stage "La Mort et Moi", dont j'ai déjà un peu parlé. Je pense en particulier à un exercice, pratiqué à deux, une approche concrète, mais je n'avais pas pensé à un guide de ce genre de voyage...

Quoi qu'il en soit, bravo M. Foenkinos, c'est un livre très fort, et puis, comme le dit la 4ème de couverture, vous avez vraiment "un art maîtrisé des formules singulières ou poétiques".

samedi 12 novembre 2011

Etty Hillesum

Il y a déjà quelques mois que je souhaite faire part d'une très belle découverte (pour moi, en tout cas) en matière de lecture, le journal bouleversant, écrit entre 1941 et 1943, d'une jeune juive néerlandaise, Etty Hillesum. Née en janvier 1914, titulaire d'une maîtrise de droit au tout début de la seconde guerre, elle découvre après 1940 ses liens avec son "peuple" et développe une foi très personnelle teintée de mysticisme. Puis elle rencontre en février 1941 un psychothérapeute très spécial (qui se dit "psychochirologue"), Julius Spier, dont elle devient la cliente, l'élève, la secrétaire, l'amie de cœur, qui lui fait découvrir la richesse de la Bible, de Saint Augustin, ainsi que la poésie de Rilke. La même année, elle commence l'écriture d'un journal, entre autres chronique des persécutions subies par les juifs néerlandais. Elle le tiendra jusqu'à sa déportation en 1943. Engagée dans les services administratifs du Conseil juif d'Amsterdam en juillet 1942, elle est envoyée à sa demande au camp de transit de Westerbork, où elle choisit de rester sans tirer avantage de son statut de fonctionnaire (elle déteste sa position de privilégiée et en ressent un profond malaise). Déportée avec les siens en septembre 1943, elle meurt le 30 novembre à Auschwitz. (Aides : l’avant-propos du livre et la revue Clés de février-mars 2011)

Pourquoi ai-je tant attendu avant d'inciter mes lecteurs à se précipiter sur ce livre? Bonne question. Ce n'est pas de la négligence, peut-être seulement la crainte de ne pas rendre compte avec suffisamment de précision de mon émotion et de mon admiration pour une telle richesse, une telle profondeur, une telle sincérité, tout simplement une telle beauté. Et puis, j'ai lu un article d'André Comte-Sponville dans le numéro de la revue Clés que j'ai cité plus haut. Ce philosophe écrivant assurément mieux que moi, et je n'en fais aucun complexe, je lui laisse quelques instants la parole (à noter, ce qui n'est pas étonnant, que c'est Christian Bobin qui lui a fait découvrir Etty Hillesum).

"Comme on aimerait être son ami, son mari, son fils, son amant! Elle est heureuse et libre, malgré la guerre, malgré la Gestapo, malgré l'extermination qu'elle voit venir. Le réel est à prendre ou à laisser. Elle le prend tout entier. Ni rancœur, ni haine, ni résignation: il suffit de comprendre et d'accepter."

Enfin, je cite deux passages du livre.
"Ne pourrait-on apprendre aux gens qu'il est possible de travailler à sa vie intérieure, à la reconquête de la paix en soi. De continuer à avoir une vie intérieure productive et confiante, par-dessus la tête -si j'ose dire- des angoisses et des rumeurs qui vous assaillent. Ne pourrait-on leur apprendre que l'on peut se contraindre à s'agenouiller dans le coin le plus reculé et le plus paisible de son moi profond et persister jusqu'à sentir au-dessus de soi le ciel s'éclaircir, rien de plus, mais rien de moins."
"Ce n'est plus moi en particulier qui veux ou dois faire telle ou telle chose: la vie est grande, bonne, passionnante, éternelle, et à s'accorder tant d'importance à soi-même, à s'agiter et à se débattre, on passe à côté de ce grand, de ce puissant et éternel courant qu'est la vie."