samedi 12 novembre 2011

Etty Hillesum

Il y a déjà quelques mois que je souhaite faire part d'une très belle découverte (pour moi, en tout cas) en matière de lecture, le journal bouleversant, écrit entre 1941 et 1943, d'une jeune juive néerlandaise, Etty Hillesum. Née en janvier 1914, titulaire d'une maîtrise de droit au tout début de la seconde guerre, elle découvre après 1940 ses liens avec son "peuple" et développe une foi très personnelle teintée de mysticisme. Puis elle rencontre en février 1941 un psychothérapeute très spécial (qui se dit "psychochirologue"), Julius Spier, dont elle devient la cliente, l'élève, la secrétaire, l'amie de cœur, qui lui fait découvrir la richesse de la Bible, de Saint Augustin, ainsi que la poésie de Rilke. La même année, elle commence l'écriture d'un journal, entre autres chronique des persécutions subies par les juifs néerlandais. Elle le tiendra jusqu'à sa déportation en 1943. Engagée dans les services administratifs du Conseil juif d'Amsterdam en juillet 1942, elle est envoyée à sa demande au camp de transit de Westerbork, où elle choisit de rester sans tirer avantage de son statut de fonctionnaire (elle déteste sa position de privilégiée et en ressent un profond malaise). Déportée avec les siens en septembre 1943, elle meurt le 30 novembre à Auschwitz. (Aides : l’avant-propos du livre et la revue Clés de février-mars 2011)

Pourquoi ai-je tant attendu avant d'inciter mes lecteurs à se précipiter sur ce livre? Bonne question. Ce n'est pas de la négligence, peut-être seulement la crainte de ne pas rendre compte avec suffisamment de précision de mon émotion et de mon admiration pour une telle richesse, une telle profondeur, une telle sincérité, tout simplement une telle beauté. Et puis, j'ai lu un article d'André Comte-Sponville dans le numéro de la revue Clés que j'ai cité plus haut. Ce philosophe écrivant assurément mieux que moi, et je n'en fais aucun complexe, je lui laisse quelques instants la parole (à noter, ce qui n'est pas étonnant, que c'est Christian Bobin qui lui a fait découvrir Etty Hillesum).

"Comme on aimerait être son ami, son mari, son fils, son amant! Elle est heureuse et libre, malgré la guerre, malgré la Gestapo, malgré l'extermination qu'elle voit venir. Le réel est à prendre ou à laisser. Elle le prend tout entier. Ni rancœur, ni haine, ni résignation: il suffit de comprendre et d'accepter."

Enfin, je cite deux passages du livre.
"Ne pourrait-on apprendre aux gens qu'il est possible de travailler à sa vie intérieure, à la reconquête de la paix en soi. De continuer à avoir une vie intérieure productive et confiante, par-dessus la tête -si j'ose dire- des angoisses et des rumeurs qui vous assaillent. Ne pourrait-on leur apprendre que l'on peut se contraindre à s'agenouiller dans le coin le plus reculé et le plus paisible de son moi profond et persister jusqu'à sentir au-dessus de soi le ciel s'éclaircir, rien de plus, mais rien de moins."
"Ce n'est plus moi en particulier qui veux ou dois faire telle ou telle chose: la vie est grande, bonne, passionnante, éternelle, et à s'accorder tant d'importance à soi-même, à s'agiter et à se débattre, on passe à côté de ce grand, de ce puissant et éternel courant qu'est la vie."

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