vendredi 24 juin 2011

La tristesse et la joie

Il y a quelque chose de terrible dans chaque vie. Il y a, dans le fond de chaque vie, une chose terriblement lourde, dure et âpre. Comme un dépôt, un plomb, une tache. Un dépôt de tristesse, un plomb de tristesse, une tache de tristesse. A part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse. Plus ou moins. Même dans nos fêtes, elle peut se voir. La joie est la matière la plus rare dans ce monde. Elle n'a rien à voir avec l'euphorie, l'optimisme ou l'enthousiasme. Elle n'est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont soupçonnables. La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors - une chose de rien, circulante, aérienne, volante. On lui accorde beaucoup moins de crédit qu'à la tristesse qui, elle, fait valoir ses antécédents, son poids, sa profondeur. La joie n'a aucun antécédent, aucun poids, aucune profondeur. Elle est toute en commencements, en envols, en vibrations d'alouette. C'est la chose la plus précieuse et la plus pauvre du monde. Il n'y a guère que les enfants pour la voir. Les enfants, les saints, les chiens errants.

Christian Bobin
La plus que vive

Au détour d'une phrase, j'ai parfois envie de dire à ce magnifique (et humble) auteur que je ne suis pas d'accord, que je ne veux pas entrer en concurrence avec les chiens errants par exemple, et puis une évidence, une lumière rayonnante sinon éblouissante, un quasi-absolu, une profonde simplicité... et je ressors apaisé et serein, livré le cœur lié au partage.

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