dimanche 23 septembre 2012

Un peuple de promeneurs

Ma chère Maguy m'a fait le très grand plaisir de m'offrir un livre étonnant: Un peuple de promeneurs, histoires tziganes. Je dis étonnant, je devrais dire quasiment irréel, à tel point que j'ai eu un peu de mal à accrocher au début... C'est un livre parlé plus qu'écrit, sautillant d'une réflexion à une observation, voire une remarque, avec de l'humour, parfois une ombre de tristesse, de la pertinence, un soupçon d'abstraction. Son auteur? Alexandre Romanès, né Bouglione, dompteur de fauves, créateur du cirque qui porte son nom, à peine sorti de son passé d'inculte et, évidemment, carrément poète.

Lydie Dattas, qui préface ce livre, écrit: Fils d'un dompteur gitan, il entre à dix-neuf ans pour la première fois dans la cage. "J'entendis alors, dira-t-il, un bruit énorme qui emplissait la salle. Je ne compris pas tout de suite d'où il venait. Puis je m'aperçus que c'était le bruit de mon cœur." Le bruit de son cœur, c'est lui que nous allons entendre dans ces pages.

Voici quelques extraits, au hasard des pages.

Mon cousin m'explique pendant vingt minutes
qu'il va tout changer dans son cirque.
Les camions, les caravanes,
les gradins, le chapiteau.
Il commence à m'agacer. Je lui dis :
"C'est très bien de changer les assiettes,
mais est-ce que tu vas aussi changer la soupe ?"

Avec ma fille Alexandra, cinq ans,
j'entre dans un restaurant self-service.
On passe devant une dizaine d'hommes et de femmes.
Soudain, elle lâche ma main,
et court en direction d'un clochard
qui est dans le fond de la salle,
elle se jette sur lui et l'embrasse.
Quand c'est beau, il n'y a rien à dire.

Du campement tzigane de Nanterre,
ce qu'on voyait le mieux,
c'était la Grande Arche de la Défense.
C'était la misère,
les enfants marchaient pieds nus l'hiver
au milieu des rats, pas d'eau ni d'électricité,
et pas toujours quelque chose à manger,
et ce monument gigantesque éclairé
la nuit par des projecteurs est baptisé :
"L'Arche de la fraternité".

La vie,
c'est un peu comme des portes qu'on ferme
et qu'on n'ouvre plus jamais.

Un vieux Gitan :
"Pour la plupart des hommes,
tant qu'il n'y a pas la mort bien visible
au bout du chemin,
ils restent dans l'inessentiel."

On devrait avoir deux vies :
une pour apprendre,
l'autre pour vivre.

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