dimanche 8 janvier 2012

L'insaisissable étincelle

Il ne faut pas juger la passion, ni le chagrin car, quelles qu'en soient les raisons, quelles qu'en soient les manifestations, on n'en perçoit jamais que les surfaces; on ne voit que l'infime, on se rappelle ce qui affleurait, et l'on a tout oublié, au moment où, guéri, on examine la cicatrice indolore des troubles profonds que l'aventure avait causés en nous. On est remis. La convalescence s'est passée à tout minimiser, à piétiner les éclats de verre coupants pour les réduire en millier de miettes, qui, érodées par l'implacable semelle de la raison, achèvent de perdre leur tranchant. On balaie ça d'un revers de main, poudre cristalline, paillettes. Seule demeure l'insaisissable étincelle que la faveur d'un rayon hasardeux ranime parfois, au moment où l'on s'y attend le moins, mais qui s'éteint sitôt que l'on tente de l'encourager, de souffler dessus, pour attiser le feu ancien.

Agnès Desarthe
Mangez-moi

En 4° de couverture, on lit cet extrait de la critique de l'Express: "Dans l'immédiat, on suggère à la Sécurité sociale de rembourser son roman, plus efficace pour le moral que tous les antidépresseurs de la pharmacopée moderne". Peut-être, peut-être, mais il y a tellement plus, ne serait-ce que l'histoire d'une vie ravagée, que l'héroïne tente par tous les moyens, avouables ou non, de comprendre avant tout, de guérir ou de reconstruire, mais sans le dire comme ça. Beau roman.

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