vendredi 8 mai 2009

Jean-Baptiste Chassignet

J'ai découvert au hasard de mes lectures (je baigne dans la poésie en ce moment) Jean-Baptiste Chassignet (1571-1620). Bonne culture humaniste et juridique, il a publié à 23 ans "Le Mespris de la Vie et Consolation contre la Mort", où sa hantise de la mort donne naissance à une poésie baroque qui, à mon avis, le place en précurseur de Rimbaud. Voici deux de ses sonnets. Je ne suis pas étranger à cet état d'esprit...

Comme petits enfants d'une larve outrageuse,
D'un fantôme, ou d'un masque, ainsi nous avons peur,
Et redoutons la mort, la concevant au cœur
Telle comme on la fait, hâve, triste, et affreuse :

Comme il plaît à la main ou loyale, ou trompeuse
Du graveur, du tailleur, ou du peintre flatteur
La nous représenter sur un tableau menteur,
Nous l'imaginons telle, agréable, ou hideuse :

Ces appréhensions torturant nos cerveaux
Nous chassent devant elle, ainsi comme bouveaux
Courent devant le loup, et n'avons pas l'espace

De la bien remarquer : ôtons le masque feint,
Lors nous la trouverons autre qu'on ne la peint,
Gracieuse à toucher, et plaisante de face.

*
J'ay voulu voyager, à la fin le voyage
M'a fait en ma maison mal content retirer.
En mon estude seul j'ay voulu demeurer,
En fin la solitude a causé mon dommage.

J'ay voulu naviguer, en fin le navigage
Entre vie et trespas m'a fait desesperer.
J'ay voulu pour plaisir la terre labourer,
En fin j'ay mesprisé l'estat du labourage.

J'ay voulu pratiquer la science et les ars,
En fin je n'ay rien su ; j'ay couru le hasars
Des combats carnassiers, la guerre ore m'offence :

Ô imbecillité de l'esprit curieus
Qui mescontent de tout de tout est desireus,
Et douteus n'a de rien parfaite connoissance.

1 commentaire:

  1. Cochonfucius a ajouté un nouveau commentaire sur votre article "Jean-Baptiste Chassignet" :

    Cette vie n'est pas outrageuse
    (De le dire, je n'ai point peur) ;
    Si je l'examine en mon coeur,
    Elle n'est certes pas affreuse.

    Or, si parfois elle est trompeuse,
    Cela vient de quelques flatteurs,
    Cela vient d'un reflet menteur,
    Cela ne la rend point hideuse.

    Chaque jour, à notre cerveau,
    Elle offre un aliment nouveau ;
    Chaque jour elle orne l'espace
    De décors bien subtils, et fins :

    L'esprit se nourrit à sa faim,
    Regardant les rêves en face.

    RépondreSupprimer