Je ressors d’un livre de Christiane Singer « Derniers fragments d’un long voyage » profondément marqué, ému, troublé, émerveillé, tremblant devant une exceptionnelle découverte. A l’approche imminente de sa mort, cette femme a su sublimer ses derniers instants sans tomber dans une quelconque litanie de rétrospective ni dans le pathos, mais en continuant à se projeter vers ce qu’elle a sublimement appelé sa « nouvelle naissance ». Nous vivons avec elle des moments très forts de partage avec les siens ou ses amis, nous vibrons avec elle pour l’émergence d’un réel bonheur et d’une totale sérénité, nous partageons la simplicité avec laquelle elle s’accorde le droit de parler de ses souffrances.
Bien sûr, tout cela résulte chez elle d’une longue pratique d’un travail intérieur. Aussi, je prends en plein cœur une réelle leçon de vie. Je suis encore dans ce livre et j’y serai longtemps encore… Moi qui ai souhaité depuis toujours mourir sans m’en apercevoir, j’en viens à souhaiter le contraire pour me laisser le temps de me préparer.
Je ne suis qu’un débutant sur le chemin, mais je suis sur le chemin.
.
.
Voici trois extraits de la fin du livre, écrits dans le dernier mois de Christiane Singer.
.
.
Je remarquais voilà quelques années qu’en vieillissant, il fallait chaque matin au réveil aller se chercher plus loin. Maintenant il peut m’arriver de partir comme à une pêche miraculeuse sans garantie de trouver dans le fatras du réel celle que j’étais hier encore. L’essentiel est de ne pas m’être attachée à « celle que j’étais hier encore » ni de vouloir coûte que coûte la reconstituer comme le font certains savants pour les tyrannosaures à partir d’un hachis de bribes d’os. Il s’agit tout au contraire de s’éprendre du jour neuf, de laisser l’intelligence de la vie se déployer. Chaque jour se doit d’être une création totalement nouvelle.
…
Quelle émotion que de voir instantanément – lorsque n’y entre ni souhait ni intention – se modifier la réalité elle-même à l’instant même où notre conscience de la réalité se modifie.
Je grandis.
Je grandis.
Je sens intensément cette croissance en moi. J’apprends à chaque instant comme jamais.
Et ce tout dernier extrait… Force de conviction...
Derniers fragments d’un long voyage. Voilà. Le carnet de bord est clos. Le voyage – ce voyage-là du moins – est pour moi terminé. A partir de demain, mieux : à partir de cet instant, tout est neuf. Je poursuis mon chemin.
Demain, comme tous les jours d’ici ou d’ailleurs, sur ce versant ou sur l’autre, est désormais mon jour de naissance.
Les six mois de vie que vous m’avez naïvement accordés le 1er septembre 2006, cher jeune docteur de Krems, je les dépose à vos pieds avec leur fruit le plus juteux : ces pages. Ma gratitude est totale.
J’ai reçu par ce livre le lumineux devoir de partager ce que je vivais dans ce temps imparti pour que la coque personnelle se brise et fasse place à une existence dilatée. Ce faisant, j’ai sauvé ma vie en l’ouvrant à tous, puisque toute vie, aussi longtemps qu’on la considère comme quelque chose de séparé et de « solide », se laisse égarer pour finir comme une paire de gants ou un parapluie dans la confusion des choses du dehors.
Il n’y a que perdre sa vie qui ait toujours le même visage : ne pas oser parier sur « l’homme intérieur », sur l’immensité qui nous habite. Ne pas oser l’Elan fou, l’Eros fondateur, ne pas plonger vers l’intérieur de soi comme du haut d’une falaise. J’ai plongé. J’ose le dire, oui, cul par-dessus tête, j’ai plongé !
« Tu connaîtras la justesse de ton chemin à ce qu’il t’aura rendu heureux. » Aristote.
Du fond du cœur, merci.
quel choc ! quelle force de vie !
RépondreSupprimer... Combien son chant de mort (ou de renaissance) est le plus bel hymne à la vie (éternelle) que l'on puisse faire!!
RépondreSupprimer